Maquettes Ferroviaires
et Collections


La Saga Jouef


La mythique grue Cockerill 85t de Jouef Belle et fonctionnelle à la fois !

La quiétude de l’auberge des 3 canards est perturbée par 50% des effectifs Cockerill affecté au levage d’un tablier de pont.

Le train de secours, un auxiliaire indispensable à la SNCF


Que ce soit en miniature, ou à l’échelle réelle, c’est bien connu, les trains ont une fâcheuse tendance naturelle à dérailler. A côté des grandes catastrophes, il y a les petits incidents, heureusement sans conséquences. Pour les compagnies, puis pour la SNCF, il est primordial de rétablir sans délai le trafic. Pour celà, elles utilisent des trains grues, répartis dans différents dépôts pour pouvoir intervenir rapidement. Les trains de secours sont composés de wagons ateliers et de grues d’une capacité de levage variable, de 32 à 50 t. Il y avait bien une exception avec l’exemplaire unique d’une grue Cockerill de 130t datant de 1939. Toutes ces grues sont mues à la vapeur. Durant la deuxième guerre mondiale, avec les sabotages et les bombardements , le travail des grues de secours est incessant. Vient ensuite le temps de la reconstruction où là on leur demande de poser une multitude de tabliers de ponts, provisoires ou définitifs, afin de rétablir le trafic. Géré à l’époque par le service MT (Matériel et Traction), l’utilité des grues au sein de la SNCF est donc incontestable.

Dégagement d’un train de marchandise déraillé dans un paysage enneigé.

La grue Cockerill N° 559 stationnée au dépôt de Villeneuve-Saint-Georges en attente d’une mission

Idem sur un dépôt plus modeste à l’échelle H0 qui fourmille de 141 R Jouef.

Rien de pire que la dérive d’une vapeur pour bloquer un dépôt. Heureusement, la Cockerill 85t est là ! .

La scène c’est produite aussi à la SNCF avec cette 2D2 9100 au premier plan, mais la grue Cockerill venue la secourir est elle aussi en bien mauvaise posture.

Heureusement sur mon réseau, pas d’incident, tout se déroule en sécurité.

Un train de secours à deux grues complété par les wagons atelier RMA et dortoir France Train. Un bel ensemble mêlant productions de grande série et fabrications artisanales.

La grue Cockerill 85t pour faire face à l’augmentation du poids des matériels modernes

Une grue Cockerill neuve lève un locotracteur du même fabricant sur le stand d’une foire en 1952.

Rapidement la capacité des grues à lever les locomotives modernes devient insuffisante. Une électrique 2D2 pèse environ 150t, impossible donc de la soulever simplement à l’une de ses extrémités (sauf à utiliser l’unique grue Cockerill de 130t). Aussi la SNCF passe-t-elle commande de 4 grues de 85t à la société Belge Cockerill installée à Serain. Le contrat est signé en 1947, elles sont livrées entre 1949 et 1950. Elles possèdent deux crochets, un fixe dit secondaire de capacité 35t pour une portée de 9,20m et l’autre mobile dit principal d’une capacité de 85t pour une portée de 6m,60. Elles sont actionnées à la vapeur avec une chaudière verticale à tubes Field. Plus tard, dans les années 70, elles se sont transformées pour être équipées de moteurs diesel. Elles sont prévues pour être convoyées dans un simple train de marchandises. La chaudière à vapeur assure à la fois la motricité du treuil, de la flèche, la rotation et même le déplacement à vitesse réduite, de manière autonome. La grue dispose d’un astucieux système de vérins qui permettent un appui solide en position de travail et des boggies porteurs amovibles permettant la répartition de la masse durant le transport. On va retrouver beaucoup de ces caractéristiques sur le modèle Jouef.

Premiers essais en charge dans la cour de l’usine du constructeur, notez l’instrumentation de mesure mise en place.

Le modèle séduit par sa qualité et son prix face à la concurrence


Le modèle est numéroté 559 et affectée au dépôt de Villeneuve, ce qui correspond à la réalité de l’époque. Présentée comme nouveauté début 1966, elle comble un vide important depuis la disparition de la firme VB en 1961, qui avait pour spécialité entre autre, la reproduction des grues. Avec sa splendide grue Cockerill 85 tonnes, Jouef vise haut en réussissant la quadrature du cercle. Elle est fidèle et à l’échelle et donc séduit le secteur des modélistes exigeants. Elle est fonctionnelle avec une reproduction des mouvements qui permet, sinon de jouer, tout au moins de la mettre en situation.

Jouef fait le bonheur des détaillants avec ses prix démocratiques (publicité dans LR de mars 1966).


Et comme de coutume, c’est du Jouef abordable avec son prix démocratique de 25NF avec ses deux wagons d’accompagnement, soit en peu plus de 31 euros actuels. Qui dit mieux ! Pas HOrnby-acHO qui propose son modèle d’importation anglaise Hornby Dublo au prix de l’équivalent de 52 de nos euros actuels. C’est une reproduction du type Cowans et Sheldon de 45t qui a réellement existé à la SNCF, mais pas dans la décoration rouge vif proposée. Pas non plus Fleischmann avec sa somptueuse rame de secours pour 98 euros actuels. Il y a bien Märklin qui propose un modeste wagon grue isolé pour 24 euros actuel (toujours en fabrication d’ailleurs) mais on ne peut pas parler de train de secours.




Le Loco Revue de mars 1966 met la grue Cockerill à l’honneur sur sa couverture. Sa description dans cette revue est pleine d’éloges.

La grue Cockerill Jouef affectée à Villeneuve en transit dans la modeste gare homonyme.

La véritable grue Cockerill N° 559 vue ici en 1966 était bien affectée au dépôt de Villeneuve-Saint-Georges.

Jouef comble un vide laissé par VB

S’il est une marque qui s’est fait une spécialité dans la reproduction des grues ferroviaires à l’échelle HO, c’est bien VB. De la fin des années 40 à sa disparition en 1961, ce ne sont pas moins de 5 modèles qui sont proposés sans compter les innombrables variantes. A voir leurs côtes de nos jours, ils font toujours frémir les amateurs. Ce sont des reproductions fidèles et détaillées mettant en lumière tout le savoir-faire de ce constructeur. Les matériaux utilisés pour leur construction sont traditionnellement le presspahn mais aussi les profilés en laiton soudés pour les flèches. Contrairement à la grue Jouef, ces reproductions n’ont rien de fonctionnel. Il est seulement possible de les mettre en situation d’attente ou de convoyage. Mais une grue de secours VB en attente sur l’embranchement d’un dépôt attire toujours l’œil, même de nos jours.

Les nombreuses grues VB, le must du collectionneur.

Une grue fonctionnelle avant tout

Dans le monde des modèles réduits, la période est au tout fonctionnel et pas que dans le domaine des trains miniatures. Pour ses maquettes d’avions le fabricant Français Heller rend les trains d’atterrissage fonctionnels, éclaire sa caravelle ou motorise le rotor de son alouette III. Jouef n’est pas en reste à partir de 1963, avec l’éclairage de ses locomotives et voitures. Apparaissent également des wagons dits « Fonctionnels » avec le poste Royal Mail anglais conçu pour Playcraft et son système de largage des colis postaux. Le wagon trémie VB devient opérationnel avec des trappes ouvrantes. Le wagon grue Cockerill est donc conçue dans cette logique et il faut reconnaitre qu’il fallait une grande ingéniosité pour concilier le caractère opérationnel avec le respect des lignes et de l’échelle. La cabine et la flèche pivotent à 360° grâce à une honnête reproduction de la couronne de roulement, procurant une large assise sans trop de jeu. Livrée dans un très beau coffret, la grue est accompagnée de ses deux boggies et de deux wagons plat OCEM à deux essieux immatriculés MT. L’un est adapté pour servir de porte flèche, l’autre est utilisé pour le transport des agrès. (en réalité le porte flèche est du type TP à boggies). Le coffret est complété par 4 petits vérins à ressorts montés sur des cales imitation bois. L’inclinaison de la flèche est commandée par la cheminée qui pour l’occasion est moletée. Le mouflage des câbles est partiellement reproduit, ce qui procure une démultiplication. Un capot en tôle est articulé sur la cabine pour suivre le mouvement d’inclinaison. Pour actionner le crochet principal, c’est une large molette placée à l’arrière de la cabine.

La grue est livrée dans de luxueux coffrets intégrant, wagons d’accompagnement et vérins. A l’avant plan elle est en position de convoyage.

Elle peut rapidement être mise en action en écartant les chariots de transport et en mettant en place les vérins de stabilisation livrés dans la boite.

En position de manœuvre, les deux passerelles s’extraient comme en réalité. Le châssis possède 4 bras articulés avec des ergots venant se loger, soit sur la traverse des boggies d’accompagnement. En position de travail, ces bras servent d’appui sur les vérins à 45° ou à 90° suivant la configuration du terrain. Dans son numéro 260 de mars 1966, Loco Revue conseille; «nous recommandons de se munir de petites brucelles et de suffisamment de patience pour la mise en place des vérins». Les inscriptions sont finement apposées, soit en relief comme la «Cockerill 85t» sur la flèche ou l’affectation Villeneuve à l’arrière de la cabine, soit sérigraphiées. A noter le très beau tableau des charges admissibles fonction de la portée et du type de crochet apposé sur les côtés du châssis. Il s’agit de ne pas se tromper car à l’époque, aucun calculateur n’agit en sécurité comme sur les engins actuels. La seule parade à l’accident de manutention est le savoir-faire des équipes de levage. Il faut bien noter que les incidents ne sont pas rares, comme en modélisme d’ailleurs.

L’arrière du coffret comporte toutes les données de mise en œuvre, un véritable mode d’emploi visuel.

Se mettre dans la peau du grutier nécessite patience et finesse d’exécution en suivant les instructions données par Jouef.

Si notre grue n’est guère adaptée de par sa fragilité au jeu des enfants, tout au moins permet-elle aux amateurs d’intéressantes mises en situation sur leur réseau.

Jouef a copié le principe de mise en place des bras de stabilisation de la grue réelle.

Une longue carrière jusqu’en 2001 avec peu d’évolution

L’illustration du catalogue la présente dans une couleur bordeaux non appliquée en série.

Produit de 1966 à 1973 sous la référence 663, puis de 1974 à 2001 sous la référence 6963, l’ensemble n’évoluera guère au cours du temps. Seul la couleur des plats OCEM passe du brun foncé à un rouge plus tendance UIC. Les roues en plastique noir du début laisse la place aux roues métal nickelé standards de Jouef. A noter que les boggies d’accompagnement ont toujours été équipés de roues métal, brunies sur la première génération. Le coffret rouge est abandonné pour les coffrets «rivets» des années 80. A défaut d’une succession, les modélistes actuels n’ont pas d’autres ressources que de l’améliorer. Elle reste une bonne base, courante et accessible sur le marché de l’occasion. Si l’envie de la détailler vous prend, reportez-vous, aux conseils de Ludovic Bordeau dans son article publié dans LR 733 d’août 2008.

La manœuvre d’une poutre avec deux grues est une opération difficile et périlleuse.

Elle peut facilement être reproduite en miniature grâce à la fonctionnalité des grues Cockerill de Jouef. Les poutres issues d’un modèle de pont provisoire de Kibri commercialisé dans les années 60 sont livrées par les très beaux wagons plats à rancher de SMCF, modèle des années 50 tout en zamac. La 030 TU de HOrnby-acHO assure la manœuvre tandis qu’un wagon atelier du RMA est présent pour le support logistique de l’opération.

A la SNCF il y a eu quelques opérations qui ne se sont pas déroulées comme prévu. La grue Cockerill devait être assez complexe à manier, sans tous les dispositifs de sécurité que l’on trouve de nos jours sur les engins de levage. Ici 75% des effectifs Cockerill sont réunis pour venir en aide à l’une des unités. Avis aux amateurs qui voudraient reproduire cette scène.

Pour l’instant,le modèle Jouef reste le seul modèle actuel fidèle et fabriqué en grande série d’une grue ferroviaire.

Jouet avec sa grue, une tradition issue du 0

Les fabricants de trains à l’échelle O comme Hornby proposent des wagons grue de secours à boggies possédant une partie fourgons dès 1923. Ils sont fonctionnels avec un crochet et une manivelle. JEP fait de même à partir de 1929. Sont disponibles également de simples wagons grue à deux essieux. Celui de Hornby O bat des records de popularité et de longévité, présent au catalogue de 1923 à 1963. Au début de l’échelle HO, Märklin sort un wagon grue dès 1936. Dans le même esprit, mais plus réaliste sort sous la référence 4611 un wagon grue monté sur châssis à trois essieux. Ce modèle perdure jusqu’à nos dans la série Stat Up. Ainsi le goût du jeu prend corps au travers d’une grue de secours. Ainsi ce même modèle de grue a cristallisé les jeux de plusieurs générations.

Les grues Märklin 00 et H0 simples et faites pour jouer. Le modèle réf 4611 situé à l’arrière-plan perdure depuis 1956 et il est toujours commercialisé sous une nouvelle décoration de nos jours. Le jeu avec une grue traverse les générations.

A côté des modèles VB, les grands constructeurs Fleischmann, Jouef ou HOrnby-acHO ont mis des grues à leurs catalogues.

Le modèle de Fleischmann sorti en 1959 est aussi très élaboré, totalement fonctionnel et des wagons d’accompagnement sont disponibles.

Pour ceux qui veulent en savoir plus, couverture du magazine Ferrovissime N°7 traitant des grues Cockerill. Le magazine Voie Ferré N°218 de novembre-décembre 2016 contient également un dossier très complet.

Dernier regard sur le chantier de rénovation du pont ferroviaire franchissant la nationale à côté de la célèbre auberge des trois canards d’André Porte.